Visites aériennes de la Tour CN de Toronto : Comment maintenir les distances verticale et horizontale par rapport aux obstacles

par Paul Spiers, inspecteur de la sécurité de l’aviation civile

La journée s’annonce magnifique pour admirer le paysage le long de la rive du lac Ontario à Toronto. Vos passagers, tout comme vous, sont impatients de prendre part à ce vol exaltant pour admirer les attraits du secteur. Vous consultez les prévisions météorologiques pour vous assurer que la visibilité est bonne, et vous voulez être certain qu’il y aura peu de turbulences, voire aucune, pour vos passagers. Vous avez vérifié tous les NOTAM pertinents et vous avez déposé un plan de vol ou un itinéraire.

Une fois que vous avez atteint le point de compte rendu, vous communiquez avec le contrôle de la circulation aérienne (ATC) de l’aéroport Billy Bishop de Toronto (autrefois appelé l’aéroport du centre-ville de Toronto) pour obtenir l’autorisation d’entrer dans la zone et demander d’effectuer une visite aérienne de la Tour CN. Vous recevez l’instruction de maintenir une altitude de 2 000 pi ASL et de demeurer au nord de la rive et au sud de la Tour CN. Vous accusez réception de cette instruction et vous vous dirigez vers la tour. Vous devez maintenant déterminer si vous respectez la loi en volant à l’altitude que l’on vous a demandé de maintenir, et ce que le contrôleur entend exactement par « au nord de la rive ». Le contrôleur veut-il dire qu’il faut rester au nord de la rive de l’île ou du secteur riverain de Toronto? Cette pensée vous traverse l’esprit, mais elle est chassée rapidement par les paroles enthousiastes de vos passagers qui prennent des photos de la Tour CN. Vous êtes absorbé dans le moment et vous essayez de procurer à vos passagers une bonne vue de la Tour CN en amenant l’aéronef aussi près que possible. Tout cela est photographié, enregistré sur vidéo et diffusé sur les médias sociaux.

Il y a une bonne raison de maintenir un espacement vertical au-dessus du sol et des obstacles. Bien que les pannes de moteur soient rares, elles se produisent quand même. C’est pour cette raison que vous avez besoin d’altitude. Si vous survolez un environnement urbain densément peuplé comme Toronto, les possibilités d’atterrir lorsque le moteur est en panne sont rares et très distancées. Quant à l’espacement horizontal, il s’agit également d’une question de sécurité, à savoir la sécurité du public non voyageur.

Quelles sont les exigences pour maintenir une distance verticale sécuritaire et conforme à la loi au-dessus des obstacles les plus élevés, et quelle est la distance horizontale minimale à maintenir par rapport à ces obstacles? Certains pilotes n’ont peut-être pas lu le Règlement sur l’aviation canadien (RAC) depuis longtemps ou avant le vol prévu, ou ils ont oublié complètement les dispositions qu’il contient. Dans tous les cas, cette situation n’est pas recommandable; non seulement vous enfreignez potentiellement au RAC, mais vous réduisez également les marges de sécurité que le Règlement accorde à vos passagers et à vous.

La disposition en question du RAC est l’alinéa 602.14(2)a), qui est formulée comme suit :

  • a) au-dessus d’une zone bâtie ou au-dessus d’un rassemblement de personnes en plein air, à moins que l’aéronef ne soit utilisé à une altitude qui permettrait, en cas d’urgence exigeant un atterrissage immédiat, d’effectuer un atterrissage sans constituer un danger pour les personnes ou les biens à la surface, et, dans tous les cas, à une altitude d’au moins :
    • (i) dans le cas d’un avion, 1 000 pi au-dessus de l’obstacle le plus élevé situé à une distance de 2 000 pi ou moins de l’avion, mesurée horizontalement,
    • (ii) dans le cas d’un ballon, 500 pi au-dessus de l’obstacle le plus élevé situé à une distance de 500 pi ou moins du ballon, mesurée horizontalement,
    • (iii) dans le cas d’un aéronef autre qu’un avion ou un ballon, 1 000 pi au-dessus de l’obstacle le plus élevé situé à une distance de 500 pi ou moins de l’aéronef, mesurée horizontalement; …
Figure 2 : Cercle d’un rayon de 2 000 pi autour de la tour du CN
Figure 2 : Cercle d’un rayon de 2 000 pi autour de la tour du CN

Le scénario que j’ai présenté au début de cet article est un cas réel. Le pilote de cet aéronef n’a pas respecté la distance horizontale minimale permise par le Règlement par rapport à la Tour CN. D’autres occurrences de ce même scénario ont été observées par des membres du public à la Tour CN. La méconnaissance du RAC ne constitue pas une défense valable. Une amende peut vous être imposée ou votre permis peut être suspendu. L’Annexe II des paragraphes 103.08(1) et (2) du RAC indique que l’amende pour le texte désigné peut aller jusqu’à 3 000 $ pour une personne physique, et jusqu’à 15 000 $ pour une personne morale (article 602.14).

Le pilote aurait pu utiliser Google Earth (ou encore une carte aéronautique de navigation VFR [VNC] ou une carte de région terminale VFR [VTA]), tracer un cercle avec un rayon de 2 000 pi autour de la Tour CN et vérifier l’altitude des bâtiments et des terrains environnants pour déterminer l’altitude minimale de sécurité à laquelle voler au-dessus de tous les obstacles* situés autour de la Tour CN. Après avoir communiqué avec le contrôleur au sujet de la visite aérienne demandée, assurez-vous de bien comprendre l’autorisation et les instructions données et vérifiez qu’elles ne vont pas à l’encontre du Règlement et de votre plan. Il est parfois utile de relire l’autorisation ou les instructions pour être certain que vous avez bien compris. Si vous ne comprenez pas l’autorisation, demandez des précisions avant de l’accepter.

*Remarque : Les bâtiments situés au nord, au nord-est et au sud-est de la Tour CN sont assez imposants et doivent être pris en compte. Certains de ces bâtiments se trouvent à 1 000 pi ASL.

Il est important de se rappeler qu’en tant que commandant de bord, il est de votre responsabilité de connaître les dispositions réglementaires, d’accepter les autorisations et de suivre les instructions de l’ATC uniquement s’il est possible de le faire en toute sécurité. Dans 99,9 % des cas, l’ATC ne vous donnera pas d’instruction ou d’autorisation non sécuritaire. Cependant, les pilotes volant selon les règles de vol à vue (VFR) sont l’unique responsable de l’exploitation sécuritaire de leur aéronef. Si vous pensez qu’une autorisation ou une instruction qui vous est donnée compromettra la sécurité ou vous amènera à enfreindre une disposition réglementaire, il est de votre responsabilité de demander des précisions ou de ne pas accepter l’autorisation ni suivre l’instruction. Bien sûr, vous devez avoir un plan de rechange si vous refusez l’autorisation ou ne suivez pas l’instruction. Si vous n’avez pas lu le RAC récemment, prenez le temps de passer en revue les parties du Règlement qui s’appliquent au vol que vous vous apprêtez à entreprendre ou de vous renseigner pour savoir si le voyage présente des particularités. Bon vol!