Table ronde dirigée par le ministre : le Nord - Sommaire de la discussion

 

Le 7 juillet 2016 (14 h 00 à 16 h 00) | Iqaluit (Nunavut)

Sommaire de la discussion

Cette réunion a été organisée conformément aux règles de Chatham House : « Lorsqu’une réunion, ou une partie de celle-ci est organisée conformément aux règles de Chatham House, les participants sont libres d’utiliser les renseignements reçus, mais ni l’identité ni l’appartenance des conférenciers et des participants ne peuvent être révélées ».

Remarques sur la discussion en table ronde :

La table ronde sur le Nord visait à obtenir le point de vue des intervenants sur les domaines prioritaires pour l’action fédérale liée à la connectivité des transports, à leur sécurité, à leurs répercussions sur l’environnement et aux répercussions des changements climatiques, ainsi que leur point de vue sur la conception et l’exploitation des programmes fédéraux afin d’aborder les réalités du Nord.

Les faits saillants des commentaires des participants sont présentés ci-après, regroupés autour des quatre questions qui ont été communiquées aux participants avant la réunion.

  1. Quelles sont les préoccupations clés de l’accès aux transports (connectivité) en direction, en provenance et au sein des collectivités du Nord qui doivent être réglées, mais que les forces du marché ne peuvent pas régler indépendamment? Quelles mesures devraient être adoptées pour traiter ces préoccupations? Quel peut être le rôle de l’industrie, des utilisateurs et des autres afin de progresser vers une approche coordonnée?

    • Les transports soutiennent le développement social dans le Nord; les transports sont essentiels pour connecter les résidents entre les collectivités éloignées et les lieux au sud. De plus, les transports sont essentiels pour acheminer les matériaux de construction, les aliments et d’autres fournitures essentielles jusqu’aux collectivités. 

    • L’état actuel de sous-développement de l’infrastructure des transports dans le Nord contribue à la hausse du coût des marchandises pour les détaillants comme pour les résidents. De plus, le manque général d’infrastructure de transport de base engendre dans certains cas des problèmes de sécurité. Par exemple, l’absence de barrières de protection et d’éclairage pour faciliter les activités de réapprovisionnement des collectivités maritimes peut exposer les résidents locaux à des risques liés ces activités et créer des inefficacités dans le transport du fret.  

    • Les prix des produits de base et des marchandises pourraient être réduits par la création d’une infrastructure maritime pour rendre les opérations plus efficaces et par l’offre de services de déglaçage/d’escorte plus rapides.

    • Les participants ont exprimé des préoccupations concernant l’âge et la capacité actuels de la flotte de la Garde côtière, des facteurs que les participants considèrent comme des entraves aux efforts de réapprovisionnement des collectivités ainsi qu’à d’autres mouvements des navires commerciaux.  

    • On considère l’absence de pistes asphaltées dans de nombreuses collectivités du Nord comme un domaine d’amélioration critique, avec des avantages économiques, sécuritaires et environnementaux importants tant pour les transporteurs aériens que pour les collectivités. 

    • Les transporteurs aériens du Nord sont limités à des aéronefs particuliers qui peuvent être équipés spécialement pour permettre l’atterrissage sur les pistes en gravier. Ainsi, les transporteurs ne sont pas en mesure d’intégrer des aéronefs plus récents et plus efficaces dans leur flotte, car ceux-ci ne sont pas compatibles avec l’équipement pour l’atterrissage sur le gravier. 

    • Une amélioration de l’infrastructure et des services aériens pourrait soutenir des charges utiles plus importantes pour le fret aérien et permettre ainsi la création d’entreprises commerciales et d’exportation dans certaines collectivités, comme les pêcheries commerciales.

    • Des mises à niveaux des systèmes de navigation, comme le système mondial de navigation par satellite, permettraient des atterrissages plus fréquents et des activités continues en cas de conditions météorologiques difficiles. On a également noté que les rapports météorologiques sur 24 heures ne sont pas accessibles dans les aéroports et aérodromes du Nord, et l’éclairage de piste est inexistant dans la plupart des aéroports; le déneigement des pistes représente également un défi dans certaines collectivités. Il pourrait être beaucoup plus abordable et rapide d’apporter des améliorations sur ces plans que d’asphalter des pistes. Par conséquent, il s’agit de l’option la plus avantageuse et la moins couteuse à court terme pour l’aviation dans le Nord.

    • En dépit de la chute du prix du carburant dans le reste du Canada, les prix sont restés jusqu’à trois fois plus élevés dans le Nord que dans le Sud. Ce coût est assumé par les utilisateurs des services aériens. 

    • La participation des transporteurs au programme de Nutrition du Nord a été remise en question par le fait que ce programme ne paie pas suffisamment de tarifs de fret pour permettre aux transporteurs d’apporter leur contribution pour les dépenses en capital pour les nouveaux aéronefs. 

    • Un plus grand subventionnement provincial de certains services de transport dans le Sud, comme celui associé au service de traversiers, était contrasté par des subventions territoriales inférieures pour les services de transport dans le Nord. 

    • Si la technologie satellite est une infrastructure essentielle pour permettre les communications et les transports dans le Nord, en dépit d’investissements dans cette technologie, les services ne sont pas pleinement exploités. On a noté des besoins associés au renforcement de la couverture satellite, qui comprend la gestion des risques en matière d’investissement.  

    • Certains efforts visant à développer les activités des compagnies aériennes du Nord avec des destinations situées aux États-Unis ont été sapés par le fait que les anciens aéronefs ne sont pas autorisés à voler aux États-Unis. 

    • Aujourd’hui, le concept du développement de réseaux de transport reliant le Canada géographiquement comme un « bien public » a disparu. Le principe de l’utilisateur-payeur fonctionne dans le Sud en raison de ses économies d’échelle; toutefois, le Nord pourrait ne pas soutenir les mêmes conditions.  

    • L’application d’une « lentille du Nord » sur les règlements dans le Nord pourrait permettre aux fournisseurs de transport de continuer à offrir des services viables, tout en réalisant des investissements en capital bien nécessaire. Pendant les années 1960, alors que l’industrie du transport aérien au Sud prenait son essor, les gouvernements avaient réglementé la concurrence entre les transporteurs aériens sur les trajets longs et moins achalandés du Sud. De nos jours, des approches réglementaires similaires pourraient être requises dans le Nord en raison de la demande très limitée. 

  2. Quels sont les défis en matière de transports qui s’opposent au potentiel de développement économique du Nord? Quelles approches collectives permettraient de régler ces défis? Une approche de développement de corridors est-elle appropriée pour le Nord?

    • Le déficit infrastructurel dans le Nord a des répercussions tant sur les perspectives économiques que sur la sécurité des transports.

    • Compte tenu de la dépendance du Nord à l’égard de l’aviation et du transport maritime, les participants ont exprimé leur appui pour l’élaboration d’un plan à long terme d’infrastructures stratégiques de transport dans le Nord. On estime que si le gouvernement fédéral faisait des investissements précis, tel qu’il l’a fait pour l’établissement de l’infrastructure de transport est‑ouest voilà un siècle, le développement économique du Nord pourrait être florissant (en particulier dans les secteurs de l’exploitation minière et des pêches). 

    • On souligne qu’il faudrait privilégier les relations entre les peuples autochtones et les gouvernements et pas seulement les relations entre les différents ordres de gouvernement. 

    • On souligne les travaux effectués jusqu’à présent sur l’élaboration du concept des corridors de transport maritime dans le Nord; on croit cependant que les corridors sont axés sur les couloirs de navigation plutôt que sur les collectivités, où on juge que les incidents sont plus susceptibles de se produire et où il faut faire davantage d’investissements dans les infrastructures. On propose de créer un groupe de travail (comprenant des représentants de l’industrie et des principaux ministères fédéraux) pour établir les priorités et élaborer un plan d’action.

    • On remarque que les activités d’approvisionnement du gouvernement devraient soutenir les fournisseurs de transports du Nord. Grâce aux activités gouvernementales, les exploitants nordiques seraient mieux en mesure d’être concurrentiels, d’embaucher du personnel local et d’investir dans les équipements.

    • Le secteur des ressources pourrait contribuer bien davantage à l’économie du Nunavut. Année après année, le taux de croissance de la population du Nunavut est près de deux fois plus élevé que le taux national et, en 2015, la population du Nunavut affichait la croissance la plus rapide au Canada, ainsi que le taux de chômage le plus élevé au pays. La mise en valeur des ressources dans le Nord du Canada recèle un potentiel énorme de création de la richesse nécessaire pour offrir du travail aux résidents qui sont sans emploi, accroître l’autonomie économique et faire en sorte que les territoires contribuent davantage au Canada.

  3. Quelles sont les préoccupations les plus pressantes connexes à la sécurité des transports dans les conditions nordiques et à l’impact des transports sur l’environnement du Nord? Quelles mesures pourraient être adoptées pour traiter ces préoccupations?

    • L’absence d’infrastructures maritimes de base dans les collectivités, tel que des installations d’accostage, de l’éclairage et des mesures de sécurité dans les zones de déchargement des cargaisons côté terre, entraîne des problèmes relativement à la sécurité, aux dangers pour l’environnement et à la perte d’efficience. Cette situation ralentit aussi beaucoup le déchargement des cargaisons. Ces coûts supplémentaires sont défrayés par les collectivités par l’entremise de taux de fret plus élevés. 

    • On remarque que d’autres régions faisant face à une situation similaire, tel que le Groenland, disposent d’infrastructures portuaires permanentes. 

    • Avec les conditions météorologiques, les fortes marées et la glace, l’Arctique canadien est un milieu difficile pour les navigateurs. 

    • On soulève un certain nombre d’écarts de service dans le Nord relativement à la sécurité maritime, notamment la disponibilité d’informations météorologiques précises, de cartes nautiques et de données bathymétriques ainsi que d’aides à la navigation. Sans services adéquats comme ceux-là, les décisions opérationnelles se fondent sur des données médiocres et les risques pour la sécurité sont plus élevés. 

    • La présence dans le Nord de la Garde côtière canadienne (GCC) est jugée cruciale; il y a cependant des préoccupations quant à la capacité de la GCC d’intervenir en cas d’urgence maritime dans le Nord.

    • Certaines collectivités ont investi dans leurs propres navires de recherche et de sauvetage. De nouvelles possibilités se présentent, étant donné que la GCC établit des partenariats avec les intervenants d’urgence dans le Nord afin de renforcer la Garde côtière auxiliaire et d’étendre la portée d’intervention des premiers intervenants. La GCC mène aussi une analyse des besoins en matière de recherche et de sauvetage et intègre des facteurs supplémentaires tels que la météo et la glace.

    • On remarque que les brise-glaces font l’objet d’une maintenance de prolongation de durée et qu’ils sont équipés de dispositifs de balayage à faisceaux multiples pour recueillir des données bathymétriques, ce qui mènera éventuellement à la mise à jour des cartes nautiques. 

  4. Quels sont les défis les plus pressants en matière de transports que causent les changements climatiques? Dans quels domaines précis des intérêts publics et privés peuvent-ils collaborer afin d’améliorer la situation?

    • Les résidents du Nord, et en particulier les chasseurs, les cueilleurs et les pêcheurs, ressentent les effets des changements climatiques et remarquent des changements tant dans l’étendue que dans la qualité de la glace marine. Bien qu’ils soient directement concernés, ils ont le sentiment de n’avoir ni les ressources ni les capacités nécessaires pour participer efficacement à la résolution du problème des changements climatiques.  

    • Il faut demeurer conscient des différences fondamentales dans la conception des infrastructures au Sud et au Nord, peu importe les effets des changements climatiques. L’application des normes du Sud dans le Nord a souvent pour conséquence l’échec des infrastructures.  

    • Il faut que les ingénieurs et un certain nombre d’entreprises de construction reconnaissent qu’on ne peut pas appliquer directement dans le Nord les normes de conception utilisées au Sud. Il convient de prendre en considération les conditions particulières du Nord. Bien que l’Association canadienne de normalisation fasse des efforts pour élaborer de nouvelles normes relatives au pergélisol, on manque d’ingénieurs spécialisés dans le pergélisol pour effectuer les travaux nécessaires.

    • Outre la tendance globale au réchauffement, les conditions météorologiques sont beaucoup plus imprévisibles. Il n’y a pas suffisamment de données de qualité, ce qui contribue à l’incertitude dans les modèles climatiques pour le Nord. Une telle incertitude a une influence considérable sur la conception et les décisions liées à l’infrastructure dans le Nord. Ainsi, des investissements dans des initiatives améliorées et stratégiques de surveillance des conditions météorologiques ou climatiques adaptées aux projets d’infrastructure seraient très utiles pour relever les futurs défis liés au transport dans le Nord.

    • L’expérience vécue jusqu’à présent indique qu’avec les répercussions des changements climatiques dans le Nord, il faudra renforcer la capacité de la GCC pour tenir compte de l’imprévisibilité accrue de la couverture de glace; en outre, plus les résidents du Sud croiront que la région est libérée des glaces, plus de personnes aimant prendre des risques et d’aventuriers pourraient se rendre dans les eaux nordiques dans toutes sortes d’embarcations, ce qui augmentera possiblement les risques pour la sécurité et la demande pour les services de la GCC.