Rapport sommaire - Évaluation de l'imposition au canada d'une exigence consistant à équiper les camions lourds d'un limiteur de vitesse

TP14808 F

SOMMAIRE

Analyse raisonnée

À la fin de 2005, l'Alliance canadienne du camionnage (ACC) a fait appel aux gouvernements fédéral et provinciaux pour mandater l'activation des limiteurs de vitesse sur tous les camions lourds qui voyagent ou qui entrent au Canada, afin que ceux-ci ne circulent pas à plus de 105 kilomètres à l'heure (km/h).

Lors de sa rencontre de septembre 2006, le Conseil des sous-ministres responsables des transports et de la sécurité routière (CSMRTSR) a étudié un document de travail concernant les limiteurs de vitesse installés sur des camions exploités au Canada, lequel soulignait les premiers avantages en matière d'environnement et de sécurité que pourrait offrir un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse. Cependant, on a également souligné qu'il est nécessaire d'approfondir les analyses en ce qui concerne les répercussions nationales d'un tel mandat. Les sous-ministres, suivis des ministres, ont discuté de la question et ont convenu de travailler ensemble à l'évaluation des questions non résolues. Transports Canada (TC) a offert de diriger ces efforts avec l'aide de plusieurs provinces et territoires.

La question que pose un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse dans le contexte canadien est complexe. C'est la première fois que l'on entreprend une évaluation approfondie et impartiale des répercussions possibles d'une telle obligation dans le contexte canadien, particulièrement en ce qui a trait aux répercussions sur la sécurité routière et l'économie. Il mérite d'être noté que, d'après l'examen de TC, il s'agit de la première fois qu'une étude holistique et multidimensionnelle des répercussions nationales éventuelles d'un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse est réalisée au Canada ou ailleurs dans le monde.

Grâce à la contribution du comité directeur fédéral-provincial, TC a demandé de nombreuses études et évaluations en 2007 afin de revoir les répercussions que pourrait avoir une obligation nationale d'équiper les camions lourds d'un limiteur de vitesse sur les plans de la sécurité, de l'environnement, de l'économie et des activités. Le présent rapport, lequel contient une synthèse des principaux résultats de ces études et évaluations, a pour objectif d'informer les gouvernements canadiens provinciaux et territoriaux des aspects clés des limiteurs de vitesse pour les camions lourds.

L'analyse réalisée tombe à point puisque deux provinces canadiennes (l'Ontario et le Québec) ont déjà adopté des mesures législatives concernant l'activation des limiteurs de vitesse. En outre, les associations américaines de camionnage ont déposé une pétition devant le gouvernement des États-Unis en ce qui concerne un mandat national obligeant l'activation des limiteurs de vitesse. Les études et les évaluations, résumées ci-dessous, portent sur les points suivants : les éventuelles répercussions sur la sécurité routière de l'activation des limiteurs de vitesse par une modélisation de la circulation; les répercussions sur le commerce et la compétitivité; les avantages pour l'environnement grâce aux économies de carburant et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre; l'expérience des transporteurs qui se sont vus imposer l'activation du limiteur de vitesse analysée dans une étude de cas; l'expérience des autres pays relativement aux mesures législatives concernant l'activation des limiteurs de vitesse; et les considérations techniques.

Aperçu de l'utilisation des limiteurs de vitesse

Avant de résumer les résultats des études et des évaluations, cette section présente un aperçu de l'utilisation des limiteurs de vitesse par les camions lourds en Amérique du Nord.

Les limiteurs de vitesse permettent de limiter électroniquement la vitesse de croisière maximale. Il s'agit d'un équipement standard installé sur la plupart des camions lourds fabriqués depuis le début des années 1990.

Or, ces camions sont dotés du matériel nécessaire que l'acheteur est libre d'activer ou non. L'activation des limiteurs de vitesse à l'aide du module de commande électronique (MCE) du camion est relativement simple, mais elle nécessite le logiciel du fabricant ainsi que le mot de passe.

Le thème qui revient dans ces travaux est que les limiteurs de vitesse sont déjà largement intégrés à l'industrie du transport routier au Canada et aux États-Unis. Pour de nombreux parcs de camions, il s'agit simplement d'un geste sensé que d'activer les limiteurs de vitesse sur la plupart de leurs camions, sinon tous. Plus le parc est important, plus la probabilité que les limiteurs de vitesse soient activés est grande. Certains exploitants de parc exigent également des propriétaires exploitants (camionneurs sous-traitants) qu'ils activent leur limiteur de vitesse; s'ils ne le font pas, ils doivent respecter la politique de l'entreprise en matière de vitesse. Bien que les plus petits parcs soient moins susceptibles d'activer leurs limiteurs de vitesse, la plupart des exploitants respectent une politique en matière de vitesse afin de réduire les coûts liés au carburant.

On estime qu'au moins 60 % des parcs de camions lourds en Amérique du Nord utilisent des limiteurs de vitesse. Au fur et à mesure que les grands parcs sont plus susceptibles de voir leurs limiteurs de vitesse activés, le pourcentage de camions qui sont soumis à ce type d'obligation est plus élevé, soit environ 77 %. Alors que le réglage des limiteurs de vitesse au Canada varie entre 100 et 112 kilomètres à l'heure (km/h), les réglages pour les parcs américains peuvent être un peu plus élevés afin de tenir compte des limites de vitesse supérieures dans certains États. En moyenne, dans les parcs canadiens et américains, les limiteurs de vitesse sont réglés à 105 km/h. Les principales raisons citées concernant l'utilisation de limiteurs de vitesse comprennent la réduction de la vitesse maximale du véhicule, la réduction du risque d'accidents et l'augmentation des économies de carburant. Les principales raisons de ne pas utiliser un tel dispositif comprennent les écarts de vitesse entre les voitures et les camions, l'impossibilité de dépasser d'autres véhicules et le refus des conducteurs indépendants de l'entreprise à se conformer à ces règles.

Répercussions de l'obligation d'activer les limiteurs de vitesse sur la sécurité

Cette étude consiste en une évaluation des répercussions sur la sécurité d'un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse à l'aide d'un modèle de simulation de la circulation qui estime le potentiel d'accident et la façon dont celui-ci pourrait être touché par différentes conditions routières et de trafic.

Plusieurs scénarios routiers sont modélisés dans cette étude : les segments de bretelles d'accès, les segments de bretelles de sortie, les segments de bretelles combinées et les segments d'autoroute en ligne droite. Une étude de cas portant sur une section droite d'une autoroute canadienne, le long de l'autoroute Queensway Express Way (QEW) dans la région métropolitaine de Toronto, a également été réalisée. Chaque scénario est modélisé à l'aide de caractéristiques expérimentales liées à la circulation, comme : la variation des volumes de circulation et des coefficients camion dans le flux de trafic; les taux de conformité aux limiteurs de vitesse; et plusieurs réglages maximums des limiteurs de vitesse.

Les scénarios de circulation pertinents sur lesquels se penche cette étude sont les suivants :

  • Volume de circulation élevé (2 000 véhicules à l'heure par voie) et faible (500 véhicules à l'heure par voie) sur l'autoroute.
  • Pourcentage élevé (15) et faible (2,5) de camions dans le flux de trafic
  • Taux de conformité à l'activation obligatoire des limiteurs de vitesse sur les camions (75 %, 100 %)
  • Application non mandatée du limiteur de vitesse (35 % pour la population de camions dont le limiteur est réglé à 105 km/h)
  • Réglage maximum du limiteur de vitesse : 110, 105, 100, 90 et 80 km/h.

Un indice probable de collision (IPC) a été utilisé afin d'évaluer les répercussions sur la sécurité puisque cet indice permet de capter le différentiel de vitesse, la distance entre les véhicules et les capacités de freinage des véhicules/conducteurs. L'IPC permet de distinguer les interactions dangereuses entre les véhicules susceptibles d'entraîner une collision.

Les principaux résultats de cette étude sont :

  • L'introduction de limiteurs de vitesse réglés à 105 km/h augmente la sécurité dans les situations où la circulation n'est pas dense pour toutes les configurations géométriques envisagées, particulièrement sur les tronçons de routes droites. Si la vitesse maximale est réglée à 110 km/h, les gains sur le plan de la sécurité de l'introduction de limiteurs de vitesse deviennent moins évidents. Les gains maximaux en matière de sécurité ont été obtenus lorsque la vitesse maximum à laquelle était réglé le limiteur de vitesse était de 90 km/h dans les situations étudiées où il n'y a pas de congestion.
  • Au fur et à mesure que le volume de circulation et que le coefficient camion dans le flux de trafic augmentent, les gains sur le plan de la sécurité associés à l'activation obligatoire des limiteurs de vitesse à 105 km/h deviennent moins évidents. Au fur et à mesure que le volume est réglé à un niveau s'approchant de la capacité maximum (2 000 véhicules à l'heure par voie - v/h/v), plus d'interactions entre les véhicules sont prévues, ce qui pourrait entraîner une diminution de la sécurité, particulièrement sur les tronçons ou il y a davantage d'activité en raison de voies convergentes ou de changements de voie (comme sur les bretelles d'accès et de sortie). Dans ces cas, l'introduction d'une obligation d'activer les limiteurs de vitesse pour les camions pourrait réellement réduire le niveau de sécurité par rapport à une situation où l'activation ne serait pas obligatoire.
  • Au fur et à mesure que la conformité augmente, on observe une faible augmentation correspondante de la sécurité en ce qui concerne l'obligation d'activer les limiteurs de vitesse. Il est également important de noter qu'au fur et à mesure que le volume et le coefficient camion augmentent, les gains sur le plan de la sécurité associés à la conformité totale sont neutralisés par la turbulence accrue causée par un volume et un coefficient camion plus élevés.
  • L'étude de cas de la QEW confirme les conclusions obtenues dans le cadre de l'analyse de sensibilité de différents scénarios de trafic et de stratégies de contrôle de la vitesse. Lorsque le limiteur de vitesse est réglé à 105 km/h, son activation génère d'importants gains en matière de sécurité dans le cas de l'étude de cas sur les corridors d'autoroute par rapport au cas de référence (activation non obligatoire des limiteurs de vitesse). Au total, 30 simulations ont été exécutées et dans 21 cas, l'activation des limiteurs de vitesse a généré des gains positifs sur le plan de la sécurité.

À la suite des travaux de modélisation entrepris, une enquête superficielle des répercussions des limiteurs de vitesse sur la sécurité concernant les routes rurales à deux voies a été menée, laquelle était appuyée sur des études précédentes auxquelles on a ajouté une analyse des profils de vitesse des gros camions de l'Alberta et de la Saskatchewan et un examen des politiques provinciales et territoriales sur le réglage des limites de vitesse sur les autoroutes. Les résultats ont démontré ce qui suit :

  • Les limites de vitesse types sur les routes rurales à deux voies à chaussée unique varient de 80 à 90 km/h, mais les vitesses affichées sur les autoroutes sont de 100 km/h.
  • Les données concernant plusieurs autoroutes à deux voies à chaussée unique en Alberta et en Saskatchewan où la limite de vitesse est de 100 km/h démontraient qu'environ 40 % des camionneurs atteignent des vitesses dépassant les 105 km/h sur ces routes. Cela a des répercussions sur la sécurité en ce qui concerne les limiteurs de vitesse des camions réglés à 105 km/h, particulièrement en regard de la possibilité de manoeuvres de dépassement non sécuritaires.
  • La possibilité que le nombre de manoeuvres de dépassement non sécuritaires augmente constitue un défi particulier sur le plan de la sécurité si les camions sont assujettis à l'obligation d'activer leur limiteur de vitesse sur les routes à deux voies à chaussée unique. D'autres études sur cette situation sont nécessaires pour qu'un énoncé plus définitif soit fait concernant les répercussions des limiteurs de vitesse sur la sécurité pour ce type de route.

Évaluation des répercussions sur le commerce et la compétitivité

Cette étude consiste en une évaluation des effets possibles sur le commerce et la compétitivité que pourrait avoir un mandat obligeant l'activation de limiteurs de vitesse, et ce, selon deux scénarios : (1) la mise en oeuvre du mandat en Ontario et au Québec seulement et (2) la mise en oeuvre du mandat à l'échelle nationale. Conformément aux deux scénarios, tous les camions lourds exploités sur le territoire où la vitesse est limitée doivent être dotés de limiteurs de vitesse électroniquement activés à 105 km/h. Cette étude envisage également les répercussions économiques possibles sur le secteur du transport routier et les questions relatives à la compétitivité de l'industrie en fonction des territoires où sont appliqués des mandats obligeant l'activation des limiteurs de vitesse et des territoires où ce n'est pas le cas.

L'analyse est largement fondée sur plusieurs sondages réalisés concernant les limiteurs de vitesse ainsi que sur un sondage mené par l'équipe de projet sur les entreprises de camionnage au Canada et aux États-Unis.

On conclut dans cette étude que la mise en oeuvre d'un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse à 105 km/h dans ce scénario entraînerait probablement très peu de problèmes sur le plan de la compétitivité. Cependant, les exploitants de plus petits parcs et les propriétaires exploitants qui croient que la sécurité pourrait être compromise pourraient éviter d'exploiter leur commerce dans ces territoires où la vitesse est limitée1.

D'après les résultats du sondage, la plupart des marchandises transportées en Amérique du Nord par de grands parcs circulent dans des camions dont la vitesse est limitée à environ 105 km/h. En ce qui concerne les parcs dont la vitesse est déjà limitée, ou qui circulent en deçà de cette vitesse, on n'observerait aucune répercussion sur le plan de la concurrence si un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse était mis en oeuvre. Les parcs canadiens qui circulent entre 106 et 110 km/h pourraient être exploités selon un mandat obligeant une vitesse maximale de 105 km/h sans trop de difficulté. En outre, les parcs qui circulent à des vitesses plus élevées ou dont le limiteur de vitesse n'est pas activé, ont observé qu'ils circulent généralement à 105 km/h ou moins afin d'économiser sur les coûts de carburant.

D'après les deux scénarios, les répercussions sur les plus grands parcs basés aux États-Unis seront probablement minimes puisque la plupart respectent une limite de vitesse maximale de 105 km/h. En contrepartie, les propriétaires exploitants étaient préoccupés par une telle limite. De nombreux propriétaires exploitants qui sont en activité dans les États américains où les limites de vitesse sont plus élevées croient que la sécurité pourrait être compromise si l'on augmente les interactions entre les voitures et les camions (capacité moindre de dépasser et augmentation des écarts de vitesse). La plupart des propriétaires exploitants basés aux États-Unis qui ont été interrogés ont souligné qu'ils cesseraient leurs activités au Canada en raison de ces préoccupations en matière de sécurité.

En vertu d'un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse en Ontario et au Québec, une plus grande portion de l'industrie du transport routier basée dans le Canada atlantique serait touchée par rapport aux parcs de l'Ouest du Canada. On estime qu'environ 30 % des camions lourds du Canada atlantique sont exploités en Ontario et au Québec et que ceux-ci pourraient être touchés. Cependant, de nombreux grands parcs sont déjà dotés de limiteurs de vitesse réglés à 105 km/h. D'après des modèles semblables de circulation des camions (p. ex. l'exploitation en Ontario et au Québec), on estime que 10 % du parc de camions lourds de l'Ouest du Canada serait touché par un tel mandat. Tout comme les propriétaires exploitants basés aux États-Unis, les propriétaires exploitants de l'Ouest du Canada indiquent qu'ils éviteraient de circuler en Ontario et au Québec.

D'un point de vue économique, la principale répercussion qu'aurait un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse sur l'industrie du transport routier serait des économies de carburant et une réduction d'autres coûts liés à l'exploitation des véhicules. D'après des économies de carburant annuelles estimées de 228 millions de litres (étude sur les avantages pour l'environnement), un mandat national obligeant l'activation des limiteurs de vitesse pourrait permettre à l'industrie du transport routier d'économiser jusqu'à 200 millions de dollars chaque année. En outre, les expéditeurs seraient probablement très peu touchés puisque la plupart des cargaisons sont déjà transportées par des parcs dont les limiteurs de vitesse sont réglés à 105 km/h ou moins. Une analyse des coûts a également été effectuée afin d'illustrer la relation possible entre les avantages sur le plan de la productivité et l'augmentation des coûts. Les résultats ont démontré qu'une augmentation des coûts en carburant associée à des vitesses supérieures à 105 km/h est plus importante que tout gain en productivité.

Les propriétaires exploitants interrogés ont affirmé que les parcs dotés de limiteurs de vitesse activés seraient désavantagés au moment de recruter des conducteurs. La plupart des gestionnaires de grands et de petits parcs ne partagent pas cette opinion; ceux-ci soulignent que les conducteurs tiennent compte de la rémunération globale, par exemple, le taux par mille, la qualité de l'équipement et les avantages sociaux. Ils étaient d'avis que l'absence d'une politique sur l'activation des limiteurs de vitesse ne constituerait pas une mesure incitative quant au recrutement des conducteurs et de maintien des effectifs.

TC a également demandé que la Direction générale du droit commercial du ministère de la Justice évalue les répercussions sur les ententes commerciales. L'avocat du ministère de la Justice a conclu que tout mandat national proposé obligeant l'activation de limiteurs de vitesse serait généralement conforme aux obligations du Canada en matière de droit commercial international et l'on considère comme minime la possibilité que d'importantes difficultés se posent.

Étude sur les avantages pour l'environnement

Cette étude consiste en une évaluation des éventuelles économies nationales de carburant diesel et des réductions de gaz à effet de serre (GES) correspondantes que pourrait entraîner la mise en oeuvre d'un mandat national obligeant l'activation des limiteurs de vitesse. On y trouve une mise à jour des estimations préliminaires figurant dans le document de travail de 2006 portant sur les limiteurs de vitesse pour les camions exploités au Canada, mise à jour fondée sur une répartition plus détaillée de la vitesse des camions ainsi que sur des données relatives au volume de marchandises acheminées par camion obtenues auprès des provinces et des territoires.

Les données sur le volume annuel de marchandises acheminées par camion sur les autoroutes provinciales où les limites de vitesse affichées sont de 100 et 110 km/h ont été recueillies dans divers lieux de collecte de données et comparées aux données provinciales sur la répartition de la vitesse afin d'obtenir le nombre total annuel approximatif de camions qui circulent à une vitesse supérieure à 105 km/h. À l'échelle nationale, on a observé qu'environ 62 % des camions lourds voyagent à 105 km/h ou moins, 23 % se situent entre 105 et 110 km/h et 15 % circulent à 110 km/h ou plus.

La Colombie-Britannique et le Manitoba représentent la proportion la plus faible de camions qui pourraient être touchés par une obligation d'activer les limiteurs de vitesse, avec seulement 3 % et 25 % respectivement des véhicules circulant au-delà de 105 km/h. En Alberta (où la limite de vitesse est de 110 km/h) et en Ontario (où la limite de vitesse est de 100 km/h), on a observé la proportion la plus élevée de camions qui pourraient être touchés par une telle obligation, les pourcentages étant de 55 % et 59 % respectivement. La plupart des autres emplacements pourraient voir de 35 à 50 % de leurs camions touchés par une telle obligation.

Un mandat national pourrait entraîner des économies de carburant de 228,6 millions de litres pour un véhicule routier carburant au diesel. Ces chiffres représentent 1,4 % de la consommation totale de diesel par les véhicules routiers en 2006. On estime que les émissions annuelles de GES seront réduites de 0,64 mégatonne. Ensemble, l'Ontario et le Québec compteraient pour 64 % des économies nationales estimées.

Des estimations d'économies annuelles de carburant de 228,6 millions de litres, trois provinces – Ontario, Québec, Alberta – compteraient pour 83 % des économies.

Étude de cas

Une étude de cas a été réalisée afin d'enquêter sur les avantages réels de l'utilisation de limiteurs de vitesse par les transporteurs et l'expérience qu'ils en ont. Deux importants transporteurs ont participé, une entreprise de location de camions et une entreprise privée. Ensemble, ces transporteurs exploitent environ 400 véhicules. Pour des raisons de confidentialité, les transporteurs qui ont participé à l'étude ne peuvent être nommés. Nous avons tenté d'inclure un propriétaire exploitant, mais nous n'avons pu obtenir sa participation en deçà de l'échéancier du projet.

L'étude a permis de recueillir auprès des transporteurs des renseignements quantitatifs et qualitatifs axés sur la sécurité et les économies liées aux coûts opérationnels. On a indiqué qu'un meilleur rendement du carburant et une sécurité accrue constituaient la motivation derrière l'introduction de limiteurs de vitesse pour les deux entreprises et que ces politiques étaient en place depuis au moins 20 ans. Bien qu'il n'ait pas été possible de recueillir des données à la fois pour la période qui a précédé la mise en oeuvre des limiteurs de vitesse et la période qui a suivi cette mise en oeuvre, les deux transporteurs étaient d'avis que les politiques de contrôle de la vitesse avaient eu des répercussions considérables sur la réduction de la consommation de carburant par les parcs. Ils ont également signalé que les coûts d'entretien étaient limités puisque leurs véhicules circulaient à des vitesses réduites.

Même si les conducteurs interrogés ont exprimé certaines préoccupations relativement à la conduite de camions dotés de limiteurs de vitesse, dans l'ensemble ils ne croyaient pas que les politiques sur le contrôle de la vitesse appliquées au sein de l'entreprise pour laquelle ils travaillent avaient soulevé des questions importantes sur le plan opérationnel ou de la sécurité. Chaque transporteur avait d'abord vécu une certaine tension en ce qui concerne l'acceptation des limiteurs de vitesse par les conducteurs. Cependant, dans l'ensemble, les conducteurs ont accepté les contrôles sur la vitesse et ont exprimé être satisfaits au travail.

L'étude a également révélé que les deux parcs n'avaient perçu aucun inconvénient sur le plan commercial par rapport à leurs compétiteurs à la suite de l'application de leur politique sur le contrôle de la vitesse et qu'en réalité, leur politique appuyait leur capacité de maintenir un effectif de bons conducteurs.

Sur le plan de la sécurité, les deux exploitants de parcs étaient d'avis que les vitesses plus basses avaient généré un meilleur dossier en matière de sécurité. D'après les données sur les collisions examinées, rien n'indique que les limiteurs de vitesse contribuent à l'occurrence de collisions. En réalité, aucune collision arrière, associée au respect d'une politique sur le contrôle de la vitesse, entre un autre véhicule et l'un de leurs camions à une vitesse d'autoroute n'a été signalée.

Évaluation internationale

Une évaluation a été effectuée afin d'en apprendre des expériences de trois pays – Australie, Royaume-Uni et Suède – lesquels ont mis en place des mesures législatives concernant l'activation de limiteurs de vitesse. L'Australie et l'Union européenne (UE) légifèrent l'utilisation de limiteurs de vitesse sur les camions lourds depuis le début des années 1990. Les mesures législatives, les répercussions sur la sécurité routière et les questions de respect et d'application de la loi sont toutes des questions qui ont fait l'objet d'une recherche.

L'Australie a mis en place des mesures législatives concernant l'activation des limiteurs de vitesse afin de contrer l'augmentation du nombre de décès sur la route mettant en cause des camions lourds et on a remarqué une diminution du nombre de collisions depuis la mise en oeuvre de cette mesure.

Les directives de l'UE régissaient l'utilisation de limiteurs de vitesse sur les camions lourds et les autobus pour des raisons de sécurité routière et environnementales. Cependant, la mesure dans laquelle les limiteurs de vitesse ont contribué à améliorer la sécurité routière et à réduire le nombre de collisions mettant en cause des camions lourds est difficile à déterminer puisqu'aucune étude n'a été réalisée permettant de tirer de façon quantifiable une telle conclusion.

Les meilleures données accessibles proviennent du Royaume-Uni. On y démontre une diminution de 26 % du nombre d'accidents mettant en cause des camions lourds depuis la promulgation de la loi en 1992. En outre, les responsables du gouvernement interrogés dans les trois pays sont d'avis que les limiteurs de vitesse ont eu une incidence positive sur la sécurité routière.

L'Australie et l'UE exigent que les camions de plus de 12 tonnes disposent de limiteurs de vitesse réglés à un maximum de 100 km/h et 90 km/h respectivement. L'UE limite également la vitesse des autobus de plus de 10 tonnes à 100 km/h et la loi a été modifiée en 2002 de façon qu'elle vise également les camions de poids moyen de plus de 3,5 tonnes. Cependant, les directives de l'UE ne s'appliquent pas aux camions étrangers. Un rapport préparé pour le Parlement européen en 2001 révèle que des économies de coût totales de 3 milliards d'euros pourraient être réalisées si on limitait la vitesse de tous les camions de l'Union européenne de 3,5 à 12 tonnes.

Dans les trois pays, les responsables ont remarqué que les efforts de respect et d'application de la loi étaient essentiels à l'efficacité d'une politique sur les limiteurs de vitesse. Afin d'assurer la conformité aux mesures législatives concernant les limiteurs de vitesse, on a eu recours aux inspections routières, à une application de la loi ciblant les contrevenants à risque élevé, à des réseaux de caméras permettant la collecte de données sur les autoroutes, ainsi qu'à des inspections annuelles. Cependant, le nombre insuffisant de personnel d'application de la loi s'avère un problème dans tous ces pays.

L'altération a été soulignée comme un problème important dans tous les pays. Les responsables australiens estiment le taux d'altération des limiteurs de vitesse de 10 à 30 % et les données de la Suède indiquent que 40 % des camions lourds dépassent la vitesse maximale permise. Les méthodes d'altération comprennent entre autres la modification non autorisée des réglages du module de commande électronique (MCE). Les exploitants ajustent également la taille des pneus ou les rapports de transmission afin que la vitesse réelle du véhicule puisse dépasser celle réglée sur le limiteur de vitesse.

Des préoccupations concernant la sécurité routière ont été soulignées par les responsables et les intervenants de l'industrie, dont l'augmentation de la congestion sur les autoroutes et la difficulté d'accéder aux bretelles d'accès et de sortie, ce qui entraîne un regroupement massif de camions dont la vitesse est limitée. Afin de réduire les répercussions d'une congestion plus importante sur les autoroutes en raison des camions dont la vitesse est limitée qui se dépassent les uns les autres, les responsables du Royaume-Uni ont restreint les véhicules lourds à la voie intérieure des autoroutes.

L'importance d'une démarche nationale uniforme quant au respect des règlements sur les limiteurs de vitesse a été soulignée par de nombreux responsables et intervenants interrogés. Les États et les territoires de l'Australie offrent une certaine souplesse en ce qui concerne les démarches législatives visant le respect et l'application de la loi. Dans le même ordre d'idées, la Commission européenne (CE) permet aux États membres de l'UE une certaine souplesse quant aux dispositions réglementaires particulières et aux dates de mise en oeuvre. Cependant, les principaux objectifs législatifs (p. ex. le réglage du limiteur de vitesse à 100 km/h pour tous les camions de plus de 12 tonnes) doivent être maintenus.

Dans le cas de l'Australie et de la Suède, les règlements et les politiques proposés à l'échelle nationale ne sont pas toujours adoptés à l'échelon des États, des territoires ou des comtés et cela a entraîné des écarts sur le plan des démarches réglementaires visant le respect et l'application de la loi.

Évaluation des considérations techniques

D'après les réponses de la Truck Manufacturers Association et de l'Engine Manufacturers Association au sondage, ce rapport résume les questions et les limites techniques que posent les limiteurs de vitesse électroniques en ce qui concerne le respect et l'application de la loi et l'altération. Ces questions doivent être considérées dans le contexte d'un mandat obligeant l'activation des limiteurs de vitesse puisqu'elles peuvent influencer l'efficacité des efforts d'application de la loi d'un territoire pour assurer la conformité.

Il est important de prendre note que le réglage du limiteur de vitesse d'un camion lourd en soi ne permet pas de contrôler la vitesse maximale d'un véhicule. D'autres variables, comme le rayon de roulement du pneu et le rapport de transmission de l'essieu arrière, sont essentielles pour que le MCE puisse calculer une vitesse maximale précise. Le client précise ses variables lorsque le camion est commandé et le MCE ne peut pas être étalonné avant l'assemblage final. Les fabricants de camions et de moteurs sont d'avis que le réglage des limiteurs de vitesse doit être une composante pouvant être configurée par le client et que la programmation préalable selon un réglage particulier est irréaliste et ne tient pas compte des réalités associées à la production adaptée au marché mondial.

Seuls le logiciel du fabricant, le mot de passe du MCE et l'équipement informatique requis permettent d'accéder au réglage du limiteur de vitesse. Bon nombre de parcs règlent le limiteur de vitesse après la livraison de nouveaux camions, conformément à la politique sur le contrôle de la vitesse de l'entreprise. Le réglage pourrait être ajusté depuis l'intérieur de la cabine du camion, en supposant que le matériel et le logiciel ainsi que le mot de passe requis sont accessibles. Cependant, seuls les propriétaires du véhicule et le personnel de service ont généralement accès à l'équipement et au mot de passe nécessaires.

Il existe également des difficultés techniques en ce qui a trait à l'interfaçage uniforme avec les marques et les modèles de camions (MCE) afin d'accéder au réglage des limiteurs de vitesse. Chaque fabricant de moteurs peut disposer de configurations matérielles et logicielles multiples et mettre à jour régulièrement le logiciel propriétaire de son moteur. Cela peut présenter des difficultés pour le personnel d'application de la loi au moment d'accéder au réglage des limiteurs de vitesse et de le vérifier de façon uniforme. Cependant, des outils de lecture sont accessibles, lesquels permettent un accès strictement en lecture seule pour tous les grands types de moteurs.

1 Plusieurs propriétaires exploitants travaillent pour des grands parcs qui ont des politiques de contrôle de la vitesse en place.

2 Le Royaume Uni et la Suède sont membres de l'Union européenne.